Philosophie des cons (et des connes)

Le Journal de la philo sur France Culture par Géraldine Mosna-Savoye
Du lundi au vendredi a 10h55
23/01/2019

La connerie est un sujet incontournable, toujours d’actualité, et qu'on expérimente au quotidien : en faisant la queue à la boulangerie, dans les transports en commun, avec ses collègues au travail... Jadis plutôt sujet humoristique, aujourd'hui c'est un enjeu philosophique : que faire des cons ?

Jacques Villeret dans "Le Dîner de cons" de Francis Veber, 1998• Crédits : Gaumont Buena Vista International

Jacques Villeret dans "Le Dîner de cons" de Francis Veber, 1998• Crédits : Gaumont Buena Vista International

La connerie est un problème philosophique

Jusqu’à aujourd’hui, la connerie était plutôt l’affaire des humoristes, du cinéma ou de la littérature, ou tout simplement une affaire banale du quotidien. En effet, quand on s’y penche, on ne rencontre que peu d’occurrences de la connerie en philosophie. Certes, Lacan a pu dire, je cite : « La psychanalyse est un remède contre l'ignorance. Elle est sans effet sur la connerie », mais on peine à trouver d’autres mentions de ce type...

Jusqu’à aujourd’hui, donc. Puisque paraît en ce 23 janvier : Que faire des cons ? : pour ne pas en rester un soi-même, de Maxime Rovère aux éditions Flammarion, et qu’un ouvrage collectif est paru en octobre dernier, sous le titre : Psychologie de la connerie aux éditions des Sciences Humaines.

Dès l’introduction, ces deux livres s’accordent à reconnaître cette absence d’études sur le sujet : car jusqu’ici, c’était plus la bêtise, la sottise, l’idiotie, ou l’envers de la connerie, l’intelligence, qui avaient mobilisé les penseurs. 

Pourtant, il faut le dire : la connerie est un vrai problème, autant que l’existence de Dieu, que les fondements de la démocratie ou que l’essence d’une œuvre d’art. C’est un problème qui entretient sûrement des liens d’opposition avec l’intelligence et des voisinages avec la bêtise, mais qui mérite un traitement philosophique à part entière. 

De la connerie aux cons

Qu’est-ce que la connerie ? Comment la définir ? Comment l’appréhender ? C’est une première manière d’approcher philosophiquement la connerie.
Et la réponse est forte d’enseignement : comme le dit la chanson, la connerie est de tout temps, partout, protéiforme, la chose la mieux partagée du monde. Concept plastique, la connerie est donc universelle. On perd ainsi notre temps à vouloir l’enfermer dans une définition abstraite : la connerie, c’est avant tout des cons. 

Mais alors deuxième question : qui sont ces cons ? Petit, grand, connard, connasse… cette réponse se trouve dans l’ouvrage collectif, Psychologie des cons. Dans un des articles, le philosophe Pascal Engel distingue les degrés de la connerie, de la bêtise brute au sot distingué qui raisonne trop.
On le voit, là encore, la connerie est multiforme et revêt autant les atours de l’absence de raison que ceux d’un excès de raison. 

C’est là son principal problème : la connerie existe et « le temps ne fait rien à l’affaire » ni la raison ! On pourrait se demander pourquoi y a-t-il de la connerie plutôt que rien ? Mais cela résoudrait-il le problème ? Non, il y aura toujours des cons.  

« Faire avec »

Le problème de la connerie est donc qu’elle est là et que le savoir n’est pas forcément une solution à ce problème. La leçon de Maxime Rovère dans son essai est donc de « faire avec ». De faire avec les cons, sachant qu’en plus on est toujours le con de quelqu’un. Mais comment donc faire avec (et faire avec soi) ? 

À cette troisième question, d’aucuns diront qu’il faut prendre les choses avec sagesse, qu’il faut respirer un grand coup et surpasser ce moment difficile où un con nous emboutit la voiture, nous grille dans une file d’attente ou nous fait une leçon sur la vie… 

Mais ce sursaut est-il si sage ? Vouloir dépasser la connerie, l’arrêter, l’éradiquer, c’est se prendre pour Dieu, c’est se penser au-dessus, c’est faire du surgissement du con dans son quotidien un moment absolu. On est loin d’une sagesse humaine. 

Alors si faire avec les cons, c’était au final faire vraiment avec : c’est-à-dire se laisser aller à l’émotion face au con, ne pas le juger ni lui faire comprendre qu’il est con, mais tout simplement accepter que la connerie est d’abord une question d’interactions, et que ça, on ne pourra jamais s’en passer. 

Sons diffusés :

  • Extrait du film Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ de Jean Yanne, 1982, avec Coluche 
  • Georges Brassens, Le temps ne fait rien à l’affaire
  • Extrait du film Le Dîner de cons de Francis Veber, 1998
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